Indicateur de « surface pâturable » pour les alpages

Description de l’indicateur

Pourquoi cet indicateur ?

Afin de préserver et gérer les milieux ouverts d’altitude et la biodiversité qui y est associée, les gestionnaires du territoire ont exprimé leur besoin d’outils pour suivre l’évolution spatio-temporelle de ces habitats, d’où la réalisation d’une carte d’habitat à l’échelle de la Communauté de Communes de la Vallée de Chamonix Mont-Blanc (CCVCMB).

L’indicateur de « surface pâturable » (i.e. le pourcentage de surface propice au pâturage) pourrait permettre de suivre et mieux comprendre l’évolution des alpages en lien avec l’activité (ou manque d’activité) pastorale et le changement climatique. Il est susceptible d’évoluer en fonction de la charge pastorale allouée au cours de l’année, le type de bétail, et aussi des éventuelles actions de débroussaillage entreprises par les bergers et/ou les gestionnaires.

Comment l'interpréter ?

La « surface pâturable » est définie ici par la somme des habitats suivants : les prairies montagnardes, les prairies subalpines, les zones d’écotone lande-prairie et les prairies alpines. On considère que ces zones fournissent une ressource suffisante pour soutenir une activité pastorale, contrairement aux classes d’habitat suivantes : forêt et limites de la forêt, landes continues et rocher / sol nu. Cette distinction volontairement simplifiée ignore la présence de plantes herbacées minoritairement présentes au sein de la lande et la possibilité de pâturage en sous-bois - pratique peu usitée localement.

Les alpages de Blaitière et de la Pendant ont très peu de prairies continues, même si des graminoïdes et forbes sont sûrement entremêlés dans la lande et fournissent une certaine ressource pastorale. Les alpages de Bellachat et Loriaz présentent des étendues importantes de prairies. On peut déduire que ces prairies sont entretenues par l’activité pastorale historique et actuelle puisqu’elles se retrouvent entourées par la lande, la forêt ou les deux.

Comment est-il calculé ?

La première étape a consisté à définir une typologie des classes d’habitat représentatives de la vallée de Chamonix et suffisamment distinctes d’un point de vue spectral pour être différenciées par le satellite. Ce processus a abouti à dix classes ayant pour objectif de couvrir l’ensemble du territoire de la CCVCMB : les zones urbanisées, les plans d’eau, les prairies montagnardes, la forêt, la limite de la forêt (arbres et arbustes hauts comme l’aulne vert, les saules, et des arbres épars), les prairies productives ou alpages, les landes à Ericaceae, les prairies alpines à plus faible productivité, les zones de rocher ou de sol nu et enfin les zones de neige ou de glace en haute montagne.

Ensuite, un algorithme de type random forest a été calibré à partir de points d’entraînement intégrant différentes variables explicatives moyennées sur la période 2017-2021. La procédure a été répétée 1000 fois afin d’évaluer la qualité de la classification. Les variables explicatives sont basées sur plusieurs sources d’information, dont : les réanalyses météorologiques Safran fournies par Météo-France pour les températures, les cartes de durée d’enneigement fournies par le CESBIO, les séries temporelles d’images Sentinel-2 pour calculer les indices spectraux (NARI, BI13, NDMI) ou encore les produits dérivés des images Sentinel-2 fournis par les services Copernicus pour les paramètres phénologiques (SOSD et EOSV).

Pour le modèle final, le random forest a été appliqué à l’ensemble de la zone d’étude.

Quelles sont les limites d'interprétation de l'indicateur ?

Sur le terrain, il arrive souvent d’observer de la lande entremêlée avec les prairies sous forme de mosaïque, ce qui rend délicat la distinction nette entre ces deux habitats dans certains cas, notamment à une résolution de 10 m qui correspond à la taille des pixels de Sentinel-2. Cette confusion s’est manifestée dans le modèle, qui parfois prédisait simultanément une forte probabilité de lande et de prairie pour un même pixel. Les prairies montagnardes et les prairies subalpines d’alpage montrent les taux d’erreur les plus élevés (respectivement 25 et 34 %).

Afin de tenir compte de cette complexité, nous avons ajouté (après la calibration du modèle random forest) une onzième classe intitulée écotone lande-prairie, qui a été attribuée quand le modèle prédisait une probabilité supérieure à 0,3 à la fois pour la classe lande et pour la classe prairie. D’après le pouvoir prédictif de chaque variable intégrée dans le modèle final, la plus importante a été le SF-GDD, qui quantifie l’énergie disponible pour les plantes le long du gradient d’altitude.

La matrice de confusion résultant du random forest indique un taux d’erreur moyen de 15% avec de fortes variations entre les différentes classes.

A quelle fréquence ?

Cette carte pourra être mise à jour au fil de la mission des satellites Sentinel-2, en conservant un lissage sur les images de cinq années et ainsi s’actualiser pour la période 2018 - 2022, puis 2019 - 2023, et ainsi de suite.

Depuis quand est-il calculé ?

Depuis 2022, sur les images satellites correspondant à la période 2017 - 2021.

Protocole d’acquisition des données

La mise en service de nouveaux satellites comme Sentinel-2 offre aux scientifiques et aux gestionnaires du territoire la possibilité d’améliorer les suivis spatio-temporels des milieux de montagne, grâce à une meilleure résolution spectrale, spatiale et temporelle de cette nouvelle génération d’images.

Les résultats cartographiques ont été validés par une campagne de relevés sur le terrain à l’été 2022, sur des mailles de 250 x 250 mètres couvrant l’ensemble des milieux supra-forestiers de la CCVCMB.

Enjeux sur l’écotone lande-prairie

Depuis les années 1970 et grâce aux photos aériennes, on observe des prairies de montagne de plus en plus rares et fragmentées, isolées entre la forêt, les landes et les parois de haute montagne. Selon l’INPN, un tiers de la flore des milieux ouverts d’altitude (prairie, lande et combe à neige) est considéré comme menacée dans la région. Une forte expansion des landes hautes (typiquement à rhododendron) aurait été favorisée à la fois par le réchauffement climatique induisant une réduction de la durée d’enneigement, et par l’abandon du pastoralisme en faveur du tourisme. Le remplacement des prairies par des landes risque d’impacter les espèces florales et animales sur plusieurs aspects, notamment une baisse de diversité floristique, entraînant une modification des ressources végétales et de l’habitat disponible pour les herbivores sauvages et domestiques.

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Carte

Extraits de carte d’habitat pour chaque alpage de la CCVCMB (représenté par le contour noir), à partir d’une cartographie haute résolution de la distribution des milieux (forêt, lande, prairie, rocher et sol nu) réalisée à partir d’images satellites et validée par des observations au sol. La classe d’habitat « lande » est représentée ici en rouge afin de mettre en avant la problématique de la fermeture des milieux ouverts par les landes.

Références

Projet ORION : biOdiveRsity Impacts of shrub expaNsion in the Chamonix valley
https://www.spaceclimateobservatory.org/fr/orion

Partenaires

Travaux réalisés dans le cadre du projet ORION : biOdiveRsity Impacts of shrub expaNsion in the Chamonix valley
Projet financé par l’Office français de la biodiversité (OFB) dans le cadre du Space Climate Observatory (SCO) France, 2021-2023
En partenariat avec la Communauté de Communes de la Vallée de Chamonix Mont-Blanc, Asters-CEN74, LECA-CNRS, et Zones Ateliers Alpes (ZAA)

Si vous souhaitez davantage d’informations sur ces travaux, écrivez-nous à l’adresse contact@creamontblanc.org

Les résultats du projet ORION sont placés sous licence CC BY 4.0 Creative Commons Attribution

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